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Le vent est-il matériel?

"La pensée n'est-elle que du vent?..."

Mandala

On réduit souvent le matérialisme (philosophique) au concept de particule, voire de corpuscule. Or la science elle-même, emblématique du matérialisme, a repoussé cette limitation.

Dualité onde-corpuscule

Et nous pouvons aller plus loin...

Il est précaire et arbitraire de trouver la limite entre ce qui est matériel et ce qui ne le serait pas. (La physique elle-même, avec la mécanique quantique par exemple, nous pousse à penser l'impensable.)

On dit d'un penseur qu'il est "matérialiste", ou "idéaliste", ou "empiriste", ou "je-ne-sais-pas-quel-mot-en-iste", aux sens philosophiques des termes. Mais qu'est-ce que cela veut dire au juste?? L'un d'eux détiendrait-il une vérité que les autres n'auraient pas...? Est-ce que ces systèmes philosophiques et courants de pensée sont incompatibles? Existe-t-il des "contre-arguments imparables"et discréditant totalement un ou tout autre point de vue? Des conciliations épistémologiques sont-elles possibles? Peut-on envisager un méta-point de vue? [1]

Il n'y a pas de pensée sans contexte.

Les concepts (et paradigmes) attirent l'attention sur une part du Réel ; ils sont nimbés d'intention ; ils incitent à une forme d'action. Ils créent aussi un groupe de pensée [2].

S'ils sont radicaux et/ou dogmatiques, l'idéalisme est un idéalocentrisme ; le matérialisme, un matérialocentrisme ; le structuralisme, un structuralocentrisme ; le vitalisme, un vitalocentrisme ; le sensualisme, un sensualocentrisme ; le spiritualisme, un spiritualocentrisme ; l'énergétisme, un énergét... bref, tu m'as compris (...?).

Il devient donc primordial de prendre conscience du caractère arbitraire de nos délimitations. (Et de la situation (relativiste ou plutôt perspectiviste [5]) de nos points de vue [6].)

Reality is the sum of all perspectives

Ainsi, à la recherche d'une limite objective, une "onde", une "énergie" sont-elles matérielles?

Quid d'une "force"? d'un "événement"? d'un "phénomène"? d'un "effet"? d'une "influence"?

Sont-ils "matériels"?

Quid de "l'information"?

J'espère que vous comprenez le principe (de mon enchaînement de questions vers l'abstraction), et je passe des étapes : Quid de la "pensée"? d'une "émotion"?

Quid de la "science"? (Peut-on dire de la science qu'elle est matérielle? Sans quoi elle n'est pas appréhendable par le matérialisme!), ...de la "spiritualité", etc.?

Pour autant, pensée, philosophie, littérature, art et interactions sociales ne paraissent pas du même ordre que quelconque objet classique de la physique, le carbone, ou la chair... bien palpables...

Peut-être existe-t-il un continuum?

Et des émergences de dimensions...?

La multiplicité des disciplines (scientifiques, et thérapeutiques) nous montrent un multitude d'interactions entre ces dimensions.

(Prenons l'exemple des origines possibles des troubles musculaires (contracture par exemple), avec des interprétations extrêmement variés : cuirasses caractérielles, déséquilibres posturaux et erreurs ergonomiques, symbolo-somatismes, dysfonctionnements organiques, congestions énergétiques, habitudes de compensations dues à des accidents, blessures articulaires, carences nutritionnelles, contagions le long des chaînes musculaires, etc., et leurs interactions (!), dont de plus en plus de disciplines naissantes tentent de faire la jonction et dont le Shikando explore et espère l'intégration.)

La réalité nous oblige à la voir, à travers notre multitude d'outils, comme complexe, elle est souvent ambiguë, et nos outils conceptuels, à l'inverse, ont trop souvent tendance à réduire, à simplifier, (ne serait-ce qu'à cause du fait que le langage fixe en dé-finissant par des termes mais en nous permettant de sortir des équivoques.)

Dès lors qu'on comprends la continuité, l'intricabilité, la réversibilité, l'intégration possible des conceptions, des concepts, des réalités, on comprends la relativité des mots et cela assouplit la pensée et nos relations à celui qui semblait avoir une conception inverse.

(Ne nous chamaillons pas sur les mots : n'en faisons pas une affaire personnelle ; faisons preuve d'empathie.)

Alex Grey

"Tout est Un", c'est insister sur l'Unité pour contrebalancer notre tendance à la séparation. Cela n'empêche pas une multitude de forme, d'en faire la distinction [7] selon nos besoins, (et la critique éclairée). Il convient cependant, après la minutie de la spécialisation, de réunir les savoirs en articulant les angles et les focales.

Et un bon moyen, c'est de critiquer dans une mise en perspective traduite [8] et de partir du dénominateur commun.

Tout cela est encore de l'exploration.

Et bien qu'apparemment abstraite, cette philosophie est le fond de beaucoup de résolution de nos problèmes quotidiens d'interaction! [9] C'est justement de ça dont il est question : de pragmatisme...

"El, Comment sourdre le vent ?

Comment éclairent les étoiles ?

- Dans l'intense firmament,

Aux confins des océans,

Face à l'abîme qui dévoile,

Gante ta faim de savoir,

Étends ton inénarrable espoir ;

Prends avec toi dix mille succédanés :

- Qualifie tes restantes années,

- Glisse dans l'insondable instantané :

Quoique tu choisisses,

Bonheur ou supplice,

Fond et formes sont simultanés.

Tes écrits, sur des feuilles mortes,

Tombent quel qu'en soit la sorte."

[1] Le scepticisme (et l'indécidabilité d'une posture définitive (partielle et partiale) plutôt qu'une autre) permet de prendre de la hauteur sur nos croyances et de mieux comprendre la souffrance (au sens bouddhique) de chacun.

Le perspectivisme propose des hypothèses respectueuses des expériences et des affinités des autres.

La sagesse, c'est ici tenter de comprendre la nature réelle du monde ; cette méta-vision, multidimensionnelle et dynamisante, nous entraîne à comprendre le point de vue d'autrui.

[2] La psychologie sociale nous a montré combien la création d'un groupe avait tendance à engendrer la création d'un "outgroup", avec ses phénomènes de rejet.

Ici, par le Shikando, puisque nous y sommes dans une "exploration de l'Essentiel", nous ne recherchons pas de rejet de l'autre ; nous interrogeons au contraire les moyens de l'intégrer [3], afin, entre autres, de pouvoir nous enrichir de son point de vue et de nous enrichir mutuellement.

Au jeu du "qui a raison?", il s'agit de comprendre (avec Rorty [4]) que "la valeur de vérité d'une proposition est [aussi] le résultat d'un accord entre les gens concernés par l'énoncé en question".

[3] en gardant un sens critique sur les erreurs possibles, les biais, etc. [5]

[4] Richard Rorty, Contingency, Irony, and Solidarity, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 5. ; Contingence, ironie et solidarité, Armand Colin, 1997

[5] « À titre indicatif, j’appelle perspectivisme chez Leibniz sa multiplication des points de vue individuels, et méthode perspective son appel à varier ces points de vue. J’appelle en revanche relativisme la conséquence erronée qui pourrait en être tirée selon laquelle tous ces points de vue seraient équivalents, auraient même valeur », Martine de Gaudemar, Relativisme et perspectivisme chez Leibniz", Dix-septième siècle 2005/1 (n° 226), pp. 111-134

[6] La Psychologie du Point de Vue. Pour une psychothérapie plurielle et intégrative destinée aux intervenants, notamment les pompiers. Cédric Bégin, Sous la direction du professeur Alexandre Kurc et du professeur Michel Musiol. Mémoire de Maîtrise de Psychologie à l’Université de Nancy II, 2003, 269 p.)

[7] afin de ne pas être dans la confusion sous prétexte d'une vision globale, de holisme !

[8] Pour reprendre la terminologie "traduction" de Michel Serres :

"Une mise en relation implique toujours une transformation, rendant le réseau intelligible."

Et on peut tous le voir dans notre quotidien.

Bonus :

(Complément pour qui désirerait approfondir la question, lire les livres de :

- La Méthode, 6 tomes,

- Contre la méthode, Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance, Paris, Le Seuil, 1975-1979; éd. poche, Paris Le Seuil, 1988, coll. "Points sciences".

- Adieu la raison, 1987, Paris, Le Seuil, 1998, coll. "Points sciences".

- Le Pragmatisme, Paris, Flammarion, coll. « Bibliothèque de philosophie scientifique », 1911, coll. « Champs », 2007..)

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